L’ascension semble sans fin. « 198, 199, 200 ! » Carlos, notre guide, se retourne en me faisant un clin d’œil, l’air frais comme une rose. « On est à mi-chemin. » La longue volée de marches que nous gravissons offre un point de vue unique. La forêt tropicale qui m’entoure, où les verts se déclinent dans tous les tons, avec ses arbres fruitiers, ses mousses et ses lianes, me fait presque oublier l’essoufflement qui me gagne.
Carlos a le teint hâlé et la carrure d’athlète de ceux qui passent leur vie au grand air. En attendant que le reste du groupe termine son ascension, il s’adosse au tronc d’un arbre. Il tend le bras vers une branche, interrompant les vocalises d’un esclave palmiste, l’oiseau national de la République dominicaine. Il cueille un fruit vert à la peau épaisse, qu’il coupe en deux à l’aide d’un couteau de poche.
« As-tu déjà goûté au fruit du cacao ? » me demande-t-il. À l’intérieur, la grappe de fèves blanches n’a rien en commun avec le chocolat. Le goût non plus, en témoigne la grimace que m’arrache l’amertume du fruit. Une saveur à mille lieues de celles des mangues, des ananas et des goyaves qui abondent sur l’île.
La République dominicaine, est un véritable régal pour les sens. Avec ses plages de sable doré et ses paysages spectaculaires, la région de Puerto Plata, sur la côte nord de ce paradis des Antilles, ne fait pas exception.
Ambiance surannée
Séduit par les nuages étincelants au-dessus du mont Isabel de Torres et par le reflet argenté du littoral, Christophe Colomb lui-même a donné son nom à Puerto Plata, « le Port d’Argent », lorsqu’il y a accosté en 1493.
Au cours des siècles qui ont suivi, cette île aux trésors a approvisionné l’Espagne en or, en sucre, en café et en tabac jusqu’à l’indépendance du pays, en 1844.
Les Espagnols ont levé l’ancre depuis longtemps, mais le spectre colonial hante encore les rues du centre-ville. Les façades et les frises colorées des maisons victoriennes, du vert lime au rose bonbon, évoquent certaines villes côtières d’Espagne.
Près du port, la forteresse San Felipe, construite en 1577, surplombe toujours l’océan. D’immenses fresques représentant la faune, la flore et l’histoire de la ville égaient les barrières et les murs des commerces.
Plaisirs gourmands
Dans la rue, galeries d’art, distilleries, boutiques de café, de chocolat et de dulce de leche, version latine du caramel, permettent de voir – et surtout de goûter – les joyaux du pays. La carte des restaurants accorde la place d’honneur aux croustilles de plantain, au pain de yucca débordant de fromage fondant et aux fruits de mer pêchés le jour même.
Au Puerto Plata Cigar Club, dans le centre historique de la ville, j’ai l’impression d’être catapultée au 19 e siècle. Dans un nuage de fumée, les clients, la peau burinée par le soleil, tous affublés d’une impressionnante moustache, lèvent leur chapeau en signe de politesse à mon entrée. Sur les présentoirs, d’élégants coffrets s’ouvrent sur des centaines de cigares qui dégagent soit des odeurs de rôties et de noisettes grillées, soit des parfums de cuir et de cardamome.
Pour une vue d’ensemble de la ville, on monte à bord du téléphérique, en direction du sommet du mont Isabel de Torres – d’une hauteur de 793 m (l’équivalent du mont Sainte-Anne, près de Québec) et de ses jardins botaniques luxuriants. Vus d’en haut, les villages côtiers, les rivières étincelantes et les champs de café et de tabac s’étirent sous le regard bienveillant du Christ Rédempteur, reproduction modeste de la célèbre statue de Rio de Janeiro.
Une bouffée d’adrénaline
Puerto Plata convient autant aux amateurs de farniente qu’à ceux de sensations fortes. Pour les premiers, les plages dorées qui bordent l’océan Atlantique tout le long de la côte offrent une tranquillité à laquelle Punta Cana – haut lieu du tourisme – ne peut que rêver.
Ici, pas d’eau turquoise ni de sable blanc, mais des vagues expressives qui raviront surfeurs et barboteurs, et des plages où se côtoient touristes et gens du coin.
Ceux qui ont soif d’aventure mettent le cap sur la région de Damajagua, à 45 minutes dans les terres au sud de Puerto Plata, qui offre une foule d’activités. Une courte ascension au cœur d’une forêt de cacaoyers et de manguiers mène tout en haut d’une série de 27 cascades, véritables merveilles sculptées à même le calcaire par dame Nature.
Les options ne manquent pas pour entamer la descente des cascades dans un parcours d’hébertisme. Les plus téméraires sauteront du haut des corniches jusque dans les bassins d’eau claire, de un à cinq mètres plus bas, ou dévaleront les glissades d’eau naturelles taillées dans le roc. Les plus frileux pourront emprunter les échelles et les ponts suspendus aux parois rocheuses.
Pour moi, le choix est évident. Les bras en croix, je me laisse glisser sur le dos à une vitesse vertigineuse avant d’atterrir dans l’eau fraîche où je barbote jusqu’à la prochaine chute.
Le luxe authentique
En longeant l’Atlantique vers l’est en autocar, on atteint en moins de deux heures La Cantera, un havre de paix où se trouvent de luxueux hôtels. S’y enchaînent des terrains de golf réputés, des spas isolés parmi les palmiers et les jardins de cactus et d’orchidées, et des plages courues par les surfeurs et les véliplanchistes du monde entier.
À l’hôtel Amanera, où je m’installe pour quelques jours, des villas surplombent la playa Grande, plus longue plage de la côte nord. Chaque fois que je sors pour une saucette ou pour un repas préparé par un chef local, mon logis est remis en ordre et un nouveau panier de fruits frais m’attend au retour.
« On a tellement peu de clients à la fois que l’on connaît assez bien leurs allées et venues. Dès qu’un employé vous aperçoit à la plage, il envoie un texto au responsable de l’entretien pour qu’il se rende à votre chambre », m’indique Audrey Huttert, directrice générale de l’établissement.
Née en France, Audrey parcourt le monde d’hôtel en hôtel depuis plus d’une décennie. La République dominicaine a finalement gagné son cœur. « Les gens sont tellement accueillants. Ils partagent leur culture avec nous pour nous permettre d’offrir à nos clients une expérience unique et, surtout, authentique. »
Le soir même, j’ai compris ce qu’elle voulait dire : le chef de l’hôtel me propose de préparer moi-même mon repas. Comment résister ? Dans une cuisine à ciel ouvert, après m’avoir servi un cocktail dans un ananas évidé, il m’enseigne les rudiments de la préparation de beignets de manioc, de tamales et de pastelones, un gratin de plantains. Un régal !
Une charmante capitale
Dernier arrêt : la capitale Santo Domingo, plus ancienne ville du Nouveau Monde, où réside le tiers des 10,6 millions d’habitants du pays. Fondée en 1496 par Bartolomé Colomb, frère de Christophe Colomb, la ville est un parfait mélange de charme historique et de modernité.
Délimitée par ses remparts d’origine, elle abrite son lot de musées, de monastères et de bâtiments de pierre datant des 15 e et 16 e siècles, parmi lesquels l’Alcazar du vice-roi, un palais construit par le fils aîné de Christophe Colomb, Diego.
À l’angle de la pittoresque rue piétonne El Conde s’élève depuis 1541 la cathédrale Santa Maria la Menor, la plus vieille des Amériques. Composée de 14 chapelles latérales gothiques et d’une nef de 54m de hauteur, elle est d’une beauté à couper le souffle. Pas étonnant que la cité coloniale soit classée au patrimoine mondial de l’UNESCO !
Comme ailleurs dans les anciennes colonies, les gens reprennent en main leur histoire, selon Cosette Garcia, directrice de l’Office montréalais du tourisme de la République dominicaine. « Dans les musées, on parle dorénavant beaucoup des conséquences de la colonisation sur les premiers habitants du pays. On raconte ce qui s’est vraiment passé, selon notre point de vue, qui diffère souvent de celui raconté dans les livres d’histoire », souligne-t-elle.
L’âme des Dominicains est partout sur les places publiques, dans les restos et sur les terrasses, où se dégustent des cafés et des rhums savoureux dans une ambiance festive.
En traversant le parc en l’honneur de Colomb, j’observe, sourire aux lèvres, un couple enlacé dansant le merengue au son de la guitare que gratte un musicien, chapeau sur les yeux. Comme quoi le bonheur, souvent, ne se résume qu’à un décor enchanteur, un soleil ardent et quelques notes de musique…
S’y rendre : Puerto Plata est située à quatre heures de vol de Montréal.
Meilleur moment pour visiter : de décembre à avril.
Monnaie : le peso dominicain (0,02 $ canadien).
Notre journaliste était invitée par l’Office montréalais de promotion touristique de la République Dominicaine, qui n’a eu aucun droit de regard sur le contenu du reportage.
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